Ce texte a été initialement publié en mai 2016 sur le blogue de Cynthia Durand : http://www.cynthiadurand.ca
Mon corps, ma sexualité
Dans l’intimité, je choisis de faire mon enfant. Dans l’intimité, je choisis de donner naissance. La littérature scientifique nous apprend que l’accouchement est un acte sexuel (Odent, 1990; Buckley 1990) et je suis tout à fait d’accord
Mon fils est né chez moi. C’est mon choix, très personnel et réfléchi. Faute de sage-femme ou de médecin correspondant à mes croyances, j’ai opté pour la simple présence de mon conjoint.
Personne ne touche à la sexualité des hommes
Personne ne touche à la sexualité des hommes. Ne touchez pas à la mienne. « Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe… » (article 10 de la Charte).
Si cela correspond à mes croyances, d’avoir une personne (doula, amie, cousine…) présente à mon accouchement (ou à tout autre moment dans ma sexualité), alors, cela m’appartient. Selon la Charte, ma liberté de conscience et d’opinion (article 3), ma dignité (article 4) et ma sexualité (égalité en matière de santé, article 86) sont des droits fondamentaux.
Alors, est-ce que la présence d’un.e doula à mon accouchement est illégal?
Il existe une loi paternaliste et désuète qui suggère que l’accouchement est « réservé »…
Réservé à qui?
Réservé à moi, la personne qui enfante, j’espère!
Eh bien, non! Le Collège des médecins et l’Ordre des sages-femmes sont les seuls autorisés à « pratiquer un accouchement spontané ».
L’article 6 de la Loi sage-femme n’autorise pas les personnes qui enfantent à choisir un.e ami.e, un.e cousin.e, un.e doula ou un.e conjoint.e pour prendre soin d’elles; seul.le.s les professionnel.le.s peuvent « surveiller et évaluer la grossesse, le travail, l’accouchement » et « pratiquer un accouchement spontané ».
Mon accouchement. Mon corps. Mon bébé. Mon vagin. Ma sexualité. Mon intimité. Ma dignité.
Un accommodement raisonnable
Selon la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, “l’accommodement raisonnable est un moyen utilisé pour faire cesser une situation de discrimination fondée sur le handicap, la religion, l’âge ou tout autre motif interdit par la Charte. L’accommodement raisonnable est une obligation. ”
Il est discriminatoire que je ne puisse jouir de ma sexualité selon mes croyances et il est discriminatoire que je doive me soumettre à un accouchement supervisé par un.e spécialiste si cela enfreint ma dignité. Puisque la Commission des droits de la personne et de la jeunesse stipule que mes droits prévalent sur les lois et un accommodement raisonnable est une OBLIGATION, il est donc fondamental que toute personne ayant des valeurs et croyances autres que d’accoucher avec une sage-femme ou un médecin puisse obtenir un accommodement raisonnable.
Mon accouchement, ma sexualité
Chaque personne doit pouvoir choisir pour elle-même en matière de sexualité. Les femmes se sont battues pour le droit à la contraception et l’avortement et ont obtenues gain de cause en grande partie. Qu’attendons-nous pour rendre l’accouchement aux personnes qui accouchent ?
Selon les études présentées par le Conseil du statut de la femme, lorsqu’il n’y a pas le libre choix de la personne enceinte en matière d’avortement (avortement illégal), celle-ci est en danger. Il en va de même pour l’accouchement. Lorsque la personne enceinte n’a pas le libre choix en matière d’accouchement, son vagin et sa dignité sont en danger.
En attendant qu’accoucher redevienne un acte légalement réservé à la personne qui accouche, un accommodement raisonnable doit me permettre d’accoucher selon mes croyances, avec la personne de mon choix.
Jamais une personne (doula, ami.e, cousin.e…) ne devrait être coupable d’être présente à un accouchement autonome.
Références :
BUCKLEY Sarah. 2008. Gentle Birth, Gentle Mothering, Celestial Arts Publisher, 352 pages.
Collège des médecins, Québec, cmq.org , consulté le 20 mai 2018.
Conseil du statut de la femme, Québec, csf.gouv.qc.ca, consulté 20 mai 2018.
Charte des droits et liberté de la personne C-12, Commision des droits de la personne et de la jeunesse, Québec, legisquebec.gouv.qc.ca C-12, consulté le 20 mai 2018. Loi sur les sages-femmes, Québec, legisquebec.gouv.qc.ca S-0.1, consulté le 20 mai 2018.
ODENT Michel. 1990. Water and sexuality, Penguin Books, 160 pages.
Ordre des sages-femmes du Québec, osfq.org, consulté le 20 mai 2018.
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