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« Toute est dans Toute »

Violence systémique, ce terme chargé qui suscite l’indignation chez certains.es et constitue un sujet sensible pour d’autres. Que symbolise-t-il vraiment? Dans le contexte médical, le terme « systémique » est utilisé pour qualifier un trouble qui affecte la totalité de l’organisme, pas uniquement une partie du corps, mais l’ensemble des systèmes. La violence, quant à elle, représente l’utilisation de la force et du pouvoir, au niveau physique ou psychologique, pour contraindre, dominer, opprimer, tuer, détruire ou endommager. La violence systémique est une réalité brutale qui s’incruste dans l’ensemble des sphères de la société et, sans surprises, les femmes sont les plus affectées par la violence.


Les femmes vivent des violences multiples qui proviennent de divers systèmes d’oppression, bien implantées dans l’ADN de notre société qui, lorsque combinées entre eux, provoquent encore plus de tourments. Le sexisme qui découle du patriarcat, le racisme, le colonialisme, la transphobie et le capacitisme sont quelques-uns des systèmes et des formes de discriminations qui provoquent des ravages et qui engouffrent encore davantage les personnes dans les méandres de la violence et de la marginalisation. Qu’on veuille le reconnaître ou non, la violence est omniprésente et occupe une place parfois évidente et d’autres fois tellement subtile et normalisée qu’on daigne lui accorder une quelconque attention. Pourtant, ces microviolences, ces microagressions, aussi microscopiques soient-elles, ne sont pas moins graves, car elles contribuent à mettre la table pour les violences plus visibles. Lorsque la visibilité est telle qu’on ne peut plus la nier, c’est qu’elle est bien là, installée depuis un bon moment.


Que ce soit dans la dynamique familiale, dans une salle de classe à l’école, dans nos relations de couple, dans nos échanges avec des collègues, lors d’un avortement ou même lorsqu’on accueille nos enfants dans le monde, dans une salle d’accouchement ou dans une maison de naissance, la violence nous guette. Parfois sous des airs de bienveillance et de douceur, elle peut surprendre ou passer inaperçue, mais être tout aussi dommageable.


On s’entend pour admettre qu’elle fait partie du système nerveux central de notre société depuis des lustres. Rappelons-nous du spéculum, cet outil gynécologique créé par celui qu’on nomme le père de la gynécologie, James Marion1, qui gardait des femmes noires, déshumanisées, captives dans sa clinique privée, pour expérimenter et peaufiner sa création. On pourrait aussi mentionner les grossesses forcées ou les avortements obligés, la stérilisation des femmes autochtones au Canada, les cas de féminicides banalisés par les médias, le trafic de femmes dans un silence et bien d’autres atrocités qui marquent l’histoire de violences faites aux femmes de notre civilisation, pour ne nommer que celles-là.


Cela dit, lorsque la maladie de la violence nous affecte collectivement, on peut choisir d’attendre la mort imminente ou tenter de nourrir le terrain pour provoquer notre rémission collective. Le système, c’est chacun d’entre nous. Nous continuons d’alimenter ce système qui nous rend malades. Comme le disait un grand philosophe contemporain dont le nom m’échappe : « Toute est dans toute ». Aussi nobles, bienveillant.es que nous sommes, et empreint.es d’une forte volonté d’anéantir cette violence qui habite nos vies et certaines de nos actions, nous tous et toutes contribuons à la maintenir vivante par nos biais inconscients, par nos stéréotypes et préjugés, et par l’ensemble des mécanismes qui provoquent l’exclusion et ainsi nous éloignent de la bienveillance.


Les biais inconscients sont présents chez tous les êtres humains. C’est plutôt normal, en fait, et ces biais ont été développés à travers le temps pour nous aider à survivre et à rapidement identifier le danger. Or, le danger est une construction sociale, donc ce qui peut être perçu comme dangereux est un reflet de la culture, des médias, ou encore peut découler directement du patriarcat agrémenté d’une bonne dose de colonialisme. La peur provoque l’exclusion, l’exclusion repousse la bienveillance. L’ennemi de la bienveillance, c’est la violence, aussi diluée soit-elle.


Alors, chers.es intervenants.es, accompagnants.es, marraines d’allaitement, personnels de la santé, parents, amis.es et porteurs.es d’espoir de tous horizons, comment la violence systémique s’incruste-t-elle dans vos actions? Quels sont les biais que vous transportez dans vos actions, inconsciemment, qui contribuent à mettre la table aux violences plus visibles? Les mécanismes inconscients nous habitent, et c’est ainsi. Rassurez-vous, reconnaître nos mécanismes n’est pas dans le but de se culpabiliser, mais plutôt de se libérer. Reconnaître l’influence du système sur chacun d’entre nous est une façon de reprendre du pouvoir. Une façon de laisser la bienveillance, tel un acte de militantisme, revendiquer la place qui lui revient.


Dominique Dominique

Enseignement de l’éthique

Doulas – Militante Afroféministe


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