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Respecter les besoins des femmes : la clé d’un accouchement respecté

Par Nicole Pino, Regroupement Naissance-Renaissance

En cette Semaine mondiale pour l’accouchement respecté (SMAR), une question se pose comme une évidence : qu’est-ce qu’un accouchement respecté ? Ce vocable répété maintes et maintes fois, à quoi réfère-t-il exactement ? Il n’y a évidemment pas de définition officielle et son sens porte à interprétation. Je vous transmets donc ici ma propre réflexion à ce sujet.

En Communication NonViolente (CNV), telle que développée par Marshall Rosenberg, on identifie une liste de besoins universels chez les humains. Ces besoins ne sont pas des caprices et ne sont pas aléatoires. Ils doivent être comblés pour assurer le bien-être et l’épanouissement de la personne. Lors de l’accouchement, il est important de considérer la femme dans sa globalité, reconnaître l’ensemble de ses besoins fondamentaux et tenter d’y répondre. Lorsqu’une femme donne naissance, elle ne devient pas soudainement une «chose» qui vit un événement médical qui consiste extirper un fœtus vivant du ventre de la mère. Donner la vie, c’est vivre une expérience hautement riche, puissante, avec toutes les dimensions de son être.

Besoins universels

Les six catégories de besoins fondamentaux sont[1] :

  1. Survie: abri, air, espace, mouvement, nourriture, repos, sécurité, etc.

  2. Intégrité: assurance, authenticité, connaissance de soi, équilibre, honnêteté, recherche de sens, respect de son rythme, etc.

  3. Autonomie: affirmation de soi, appropriation de son pouvoir, espace pour soi, estime de soi, liberté, etc.

  4. Expression de soi: accomplissement, action, clarté, cohérence, compréhension, conscience, créativité, évolution, participation, etc.

  5. D’ordre relationnel: acceptation, accueil, affection, amour, appartenance, bienveillance, communication, connexion, continuité, contribution à la vie, délicatesse, discrétion, douceur, écoute, engagement, inclusion, intimité, respect, solidarité, soutien, transparence, etc.

  6. Célébration: abondance, beauté, communion, espoir, harmonie, humour, paix, plaisir, sacré, sens, transcendance, etc.

Au regard de la liste ci-dessus, il est possible de mieux saisir les éléments à tenir en compte pour permettre un accouchement respecté.

Survie

Dans cette catégorie, bien qu’on ne parle pas de survie au sens strict du terme, on réfère aux besoins physiologiques. Ainsi, lors de l’accouchement, il est nécessaire de respecter la physiologie de l’accouchement en évitant tout acte qui pourrait la perturber et en mettant en place les conditions qui la favorisent. Ceci implique donc de ne pas pratiquer des interventions évitables et non basées sur des données probantes.

Afin de respecter la physiologie, il faut absolument tenir compte des besoins physiques de la femme en travail. Lors de l’accouchement, la femme a besoin de se sentir en sécurité, dans un endroit paisible et réconfortant. Elle a besoin de pouvoir boire et manger à sa guise. Elle doit également pouvoir bouger à son aise et prendre les positions qui lui procurent le plus de confort.

Lorsque le bébé naît, la mère et le bébé ont besoin de rester collés en peau à peau. La séparation provoque une détresse physique et psychologique chez la mère et le bébé. Ainsi, le bébé qui reste en peau à peau et qui peut téter à sa guise aura par exemple une meilleure régulation thermique, son rythme cardiaque et sa respiration seront meilleurs, tout comme sa glycémie. Des études ont même démontré que les bienfaits du peau à peau à la naissance étaient mesurables deux ans plus tard ! Pour la mère, le peau à peau lui permettra de diminuer son risque d’hémorragie postpartum et de démarrer l’allaitement plus facilement.

Intégrité

Parmi les besoins universels, il y a ceux qui renvoient au besoin de respecter son propre rythme. Lors du travail de l’accouchement, ce besoin est très primordial. La femme doit apprivoiser ce qui se passe dans son corps, mais aussi dans son esprit. Devenir mère est une profonde transformation et l’accouchement et une étape initiatique qui permet cette transition. Parfois, un accouchement relativement long par exemple est nécessaire pour permettre ce processus. Bien des femmes découvrent des parties d’elles-mêmes lorsqu’elles donnent naissance.

De plus, l’être humain a besoin de trouver un sens aux événements, aux actions et paroles. Il faut donc, afin de répondre à ce besoin, poser des gestes lors de l’accouchement qui ont un sens pour la femme en travail. Le personnel médical et les personnes qui accompagnent la femme doivent donc prendre le temps d’expliquer si l’on veut procéder à une intervention. Les protocoles appliqués de façon systématique et l’organisation des soins ne font pas toujours sens. Bien qu’il y ait toujours une raison derrière les décisions prises, ces décisions ne le sont pas toujours en fonction des besoins mêmes de la femme et du bébé et elles peuvent donc sembler absurdes du point de vue de la parturiente.

Autonomie

En plus de se sentir libre de ses mouvements, la femme a aussi besoin de pouvoir décider d’accepter ou non les interventions proposées. Elle a besoin de sentir qu’elle est l’actrice principale de son accouchement, et non qu’elle n’est qu’une spectatrice qui se fait accoucher. Ce besoin est très souvent brimé. Les conséquences sont souvent : une perte de confiance en soi, un sentiment d’incompétence parentale, un sentiment de vulnérabilité qui persiste. Alors que lorsque ce besoin est comblé, c’est tout le contraire qui se produit.

L’accouchement constitue un des événements les plus puissants pour s’approprier son pouvoir, pouvoir de mettre son enfant au monde par soi-même. En ce sens, il est souvent une expérience de transformation durant laquelle la femme découvre des forces en elle insoupçonnées et durant laquelle elle prend conscience de toute la puissance qui l’habite.

Expression de soi

La naissance n’est pas un simple acte médical, mais plutôt un événement à la fois physiologique, intime, transformateur, sacré. Les femmes qui enfantent dans leur pouvoir ressentent un profond sentiment d’accomplissement, répondant ainsi au besoin d’expression de soi.

Un accouchement respecté implique la participation de la mère dans toutes les étapes de la mise en monde, y compris dans les décisions qui la concernent elle et son bébé. La vision que la future mère a de l’accouchement, le sens qu’elle lui donne, doit être en cohérence avec le déroulement de l’accouchement.

Besoins d’ordre relationnel

La femme qui enfante a également besoin de se sentir accueillie par des personnes autour d’elle qui la soutiennent avec bienveillance, discrétion, douceur, écoute, intimité. Elle a besoin que son ou sa partenaire (ou toute autre personne significative qui l’accompagne) lui démontre son affection et son amour en étant connecté à elle. Il est donc primordial que la femme soit entourée de personnes significatives qui vont répondre à ses besoins de soutien et qui vont savoir être en connexion intime avec elle. Ce besoin de présence est crucial pendant l’accouchement. C’est d’ailleurs pourquoi les femmes réclament de plus en plus de sages-femmes et d’accompagnantes à la naissance. C’est aussi pourquoi la présence du conjoint ou de la conjointe peut être si riche.

Parmi les besoins d’ordre relationnel se retrouvent les deux besoins les plus fondamentaux : l’amour et le sentiment de contribution. En CNV, lorsqu’on va puiser au cœur de nos besoins, ce sont ces deux besoins qui ressortent le plus souvent et qui semblent être à la source de notre motivation, du sens de notre vie, etc. Donner naissance constitue l’événement qui répond de façon la plus puissante à ces deux besoins. Les femmes le témoignent : lorsqu’on donne la vie, on ressent la plus grande vague d’amour jamais connue et l’on sent comme jamais que nous contribuons à plus grand que nous, que nous avons mis une pierre à l’édifice de l’humanité.

Célébration

Un autre élément, qui est souvent mis de côté lors de l’accouchement au nom de «l’important est un bébé en santé», est tout le côté sacré de la naissance. La naissance est avant tout une célébration de la vie, une communion avec l’humanité, un sens profond à notre existence, porteur d’espoir pour l’avenir. Il est important de mettre en place les conditions qui favorisent l’émergence du caractère sacré de la naissance. En ce sens, les personnes qui accompagnent la femme devraient agir comme les gardiennes de l’espace sacré. Par sacré, j’entends ici la reconnaissance par une attention particulière, une grande présence à soi et une connexion à ce qui se déploie devant nous. C’est reconnaître avec émerveillement et humilité le miracle de la vie. Nul besoin d’y voir de la religiosité ou d’avoir des croyances particulières ; simplement honorer la vie dans toute sa beauté.

Respecter l’accouchement, c’est donc être à l’écoute de la femme, prendre conscience de ses besoins fondamentaux et tout mettre en œuvre pour y répondre le mieux possible. Mon souhait le plus cher est que toutes les personnes qui gravitent autour des femmes enceintes et qui enfantent développent cette conscience afin qu’elles deviennent des «gardiennes de la naissance »[2]. Je crois profondément que la façon dont on met au monde les bébés est déterminante pour l’avenir de l’humanité et de notre planète ou, comme le dit si bien Michel Odent : «Changer le monde, c’est d’abord changer la façon de naître.» Ensemble, nous pouvons être ces gardiennes et gardiens de la naissance et sauver la planète une naissance à la fois.

[2] Traduction libre de l’expression birthkeepers de l’inspirante sage-femme Robin Lim.

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