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La violence obstétricale : mais qu’est-ce que c’est ?

Par Nicole Pino, Regroupement Naissance-Renaissance

Voilà que la Semaine mondiale pour l’accouchement respecté débute ! Une semaine où les questions d’accouchement respecté, d’accouchement traumatique et de violence obstétricale seront abordées en profondeur. Or, le concept de violence obstétricale est émergent et tout un flou existe autour de sa définition. Que veut-on dire par violence obstétricale ?

Il n’existe pas de définition consensuelle à travers le monde pour l’instant. Ce qu’on peut dire, c’est que la violence obstétricale constitue de la violence, sous toutes ses formes, commise dans un contexte obstétrical (accouchement, suivi de grossesse, postpartum immédiat, avortement, fausse-couche, etc.).  Plusieurs définitions sont proposées jusqu’à maintenant, et certains États latino-américains ont même légiféré contre la violence obstétricale.

Propositions de définition

Parmi les définitions existantes jusqu’à maintenant, mentionnons celle de Jesusa Ricoy de Roses Revolution :

« La violence obstétricale est l’acte de faire abstraction de l’autorité et de l’autonomie que les femmes ont sur leur propre sexualité, corps, bébé et expérience de naissance. C’est aussi l’acte de faire abstraction de la spontanéité, des positions, du rythme et du temps de travail nécessaire afin de progresser normalement lorsqu’il n’y a pas de besoin d’intervention. C’est aussi l’acte de ne pas se soucier de la sphère émotionnelle de la femme et du bébé lors de l’ensemble du processus d’accouchement. »[1]

Il y a également Marie-France Lahaye, juriste française, militante et blogueuse, qui propose cette définition :

« Tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente. »[2]

Le Venezuela définit la violence obstétricale comme :

« L’appropriation du corps et du processus reproducteur des femmes par les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, appropriation qui se manifeste sous les formes suivantes : traitement déshumanisé, abus d’administration de médicaments et conversion de processus naturels en processus pathologiques. Cela entraîne pour les femmes une perte d’autonomie et de la capacité à décider en toute liberté de ce qui concerne leur propre corps et sexualité, affectant négativement leur qualité de vie ».[3]

En ce moment au Québec, une équipe de recherche, constituée de chercheures de l’UQAM et du Regroupement Naissance-Renaissance[4], se penche sur une analyse conceptuelle de la violence obstétricale et cherche à définir clairement ce qu’est la violence obstétricale. Nous vous invitons d’ailleurs à assister à leur conférence qui se tiendra à Montréal le 20 mai prochain. (https://www.facebook.com/events/946630278782912/)

Lois condamnant la violence obstétricale

Le Venezuela a été le pionnier en la matière, en adoptant en 2007 une loi contre la violence faite aux femmes où la violence obstétricale est incluse et définie ainsi :

«Sont considérés des actes de violence obstétricale ceux effectués par le personnel de santé et qui consistent à :

  1. 1- Ne pas adresser les urgences obstétricales à temps et de manière efficace.

  2. 2- Forcer la femme à donner naissance en position couchée avec les jambes surélevées alors que les moyens nécessaires pour accoucher en position verticale existent.

  3. 3- Entraver l’attachement précoce du bébé avec sa mère sans raison médicale, niant la possibilité de le porter ou l’allaiter immédiatement à la naissance.

  4. 4- Altérer le processus naturel de l’accouchement à bas risque par l’utilisation de techniques d’accélération du travail, sans obtenir le consentement libre, exprimé et éclairé de la femme.

  5. 5- Procéder à la césarienne lorsqu’il existe des conditions pour l’accouchement naturel, sans obtenir le consentement libre, exprimé et éclairé de la femme. »[5]

En 2009, l’Argentine emboîte le pas et adopte elle aussi une loi contre la violence faite aux femmes où la violence obstétricale est définie comme suit :

« Celle qu’exerce le personnel de santé sur le corps et les processus reproducteurs des femmes, résultant en un traitement déshumanisé, un abus de médicalisation et la pathologisation des processus naturels ».[6]

Plus récemment, c’est l’État du Chiapas au Mexique qui a changé son code pénal pour y inclure la violence obstétricale :

« La violence obstétricale est une action qui touche directement ou indirectement les processus reproductifs des femmes et peut être exprimée physiquement ou psychologiquement.

On considère de la violence physique obstétricale : les pratiques invasives telles que les touchers par plus d’une personne, incisions chirurgicales dans la région du périnée (peau, plan musculaire et muqueuse vaginale) pour accélérer l’expulsion du fœtus; l’utilisation de forceps; racler l’utérus sans anesthésie; les césariennes sans justification médicale; et l’administration de médicaments inutiles.

Alors que la violence psychologique obstétricale se manifeste dans l’utilisation d’un langage inapproprié et grossier; la discrimination, l’humiliation, les moqueries et la critique concernant le statut de la femme et de son enfant; et l’omission de l’information sur l’évolution de la grossesse.

En outre, les professionnels de la santé mériteront une sanction lorsqu’ils ne prendront pas en charge les urgences obstétricales rapidement et efficacement; ou qu’ils forceront une femme à accoucher dans la position couchée sur le dos avec les jambes surélevées alors que les moyens nécessaires pour l’accouchement en position verticale existent.

S’ajoute à cela le fait d’entraver l’attachement précoce de l’enfant avec sa mère sans cause médicale justifiable, niant la possibilité à la mère de prendre son enfant et d’allaiter immédiatement à la naissance. » [7]

Pour en savoir plus

Le CIANE (Collectif interassociatif autour de la naissance) a mis sur pied tout un dossier sur les maltraitances obstétricales (http://ciane.net/2016/05/maltraitances-obstetricales-actions/) dont une bibliographie de l’AFAR (Alliance francophone pour l’accouchement respecté) compilant tous les travaux scientifiques récents sur le sujet  (http://ciane.net/wordpress/wp-content/uploads/2016/04/Bibliographie-violenceobs-2016.pdf) et une enquête permanente en ligne sur l’accouchement (http://ciane.net/lime/limesurvey/index.php/77136?lang=fr) dont les résultats sont présentés par dossiers thématiques (http://ciane.net/publications/enquete-accouchement/).

Il y a également plusieurs articles intéressants sur le sujet tels que :

1)     « Qu’est-ce que la violence obstétricale ? » par Marie-France Lahaye (http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/2016/03/09/quest-ce-que-la-violence-obstetricale/)

2)     «La violence obstétricale» par Mariane Labrecque dans Le Mouton Noir , 17 juillet 2014 (http://www.moutonnoir.com/2014/07/la-violence-obstetricale/)

3)     Le dossier de Planète F «Abus dans la salle d’accouchement» , mai 2014 (http://www.planetef.com/dossier/abus-dans-la-salle-daccouchement/)

Bonne Semaine mondiale pour l’accouchement respecté !

[1] Sanchez, S. B. (2014). Obstetric Violence: Medicalization, authority abuse and sexism within Spanish obstetric assistance. A new name for old issues? , Utrecht University.

[4] Membres de l’équipe de recherche : Sylvie Lévesque (Département de sexologie, UQAM), Manon Bergeron (Département de sexologie, UQAM), Lorraine Fontaine (Regroupement Naissance-Renaissance), Catherine Rousseau (UQAM) et Lyne Kurtzman (UQAM).

[5] Traduction libre du texte de loi vénézuélien : «Ley orgánica sobre el derecho de las mujeres a una vida Libre de violencia, Capitulo 6, Articulo 51 ».

[6] Traduction libre du texte de loi argentin : « Ley 26.485 : Ley de protección integral para prevenir, sancionar y erradicar la violencia contra las mujeres en los ámbitos en que desarrollen sus relaciones interpersonales, Titulo 1, Articulo 6 ».

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