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Femmes qui accouchez : oui, vous avez des droits !

Par Nicole Pino, Regroupement Naissance-Renaissance

Au Regroupement Naissance-Renaissance, nous recevons régulièrement des demandes de femmes nous demandant quels sont leurs droits. Le constat flagrant et malheureux est qu’il y a un grand décalage entre les droits des femmes enceintes et qui accouchent et ce qui se passe réellement sur le terrain.

Les raisons que nous avons pu identifier qui expliquent ce décalage sont, d’une part, le manque d’information quant aux droits des femmes et ce, autant du côté du personnel soignant que des femmes elles-mêmes. En effet, bien souvent, le personnel croit que les protocoles sont obligatoires et donc, que les femmes n’ont pas le droit de les refuser. Il croit également que c’est le médecin qui a autorité sur ce qui se passe lors de l’accouchement et que nul ne peut refuser ce qu’il décide. Les femmes, étant généralement peu informées sur leurs droits, arrivent dans ce contexte et croient effectivement que si le personnel soignant le dit, c’est qu’elles n’ont effectivement pas le choix. En d’autres mots, bien peu de personnes sont réellement au courant des droits des femmes en contexte d’accouchement et ainsi se perpétue la croyance qu’elles en ont très peu.

Une autre raison qui provoque cette situation est l’organisation des soins, avec le roulement de personnel et les protocoles rigides, qui laissent peu de place aux choix des femmes. Combien de femmes ont une césarienne d’emblée, sans raison médicale, parce que les protocoles hospitaliers (ou le médecin de garde) ne permettent pas l’accouchement vaginal dans le cas d’un AVAC (accouchement vaginal après césarienne), de grossesse gémellaire ou lorsque le bébé est en siège ? Combien de femmes ont perdu leur suivi sage-femme et, par le fait même, la possibilité d’accoucher hors centre hospitalier parce qu’elles ne répondaient plus à certains critères (parfois justifiés certes, mais aussi parfois arbitraires) ? Combien de femmes ne peuvent faire le peau à peau et cohabiter avec leur bébé ? La liste d’exemples pourrait être encore très longue. Ces exemples illustrent à quel point il reste beaucoup de travail à faire pour que les droits puissent être respectés.

Finalement, on peut nommer une troisième raison : les attitudes et les gestes du personnel médical qui nient le consentement des femmes. Marlène Cadorette a consacré sa thèse de doctorat en droit sur le sujet.[1] Voici un extrait d’un article paru au sujet de cette thèse :

“Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention”, stipule l’article 11 du Code Civil du Québec. La femme qui se prépare à accoucher est-elle suffisamment respectée dans ce droit? La situation de vulnérabilité particulière dans laquelle elle se trouve vient-elle brimer son droit à l’autonomie et à l’information quant aux soins qui lui seront prodigués?

C’est cette question qu’examine Marlène Cadorette, dans sa thèse de doctorat en droit portant sur les images de l’implication des femmes dans les décisions des soins lors de l’accouchement. Pour les fins de son étude, la juriste a demandé à 16 primipares ayant accouché depuis 6 à 9 semaines de faire le récit de leur accouchement. Elle a également mené des entrevues auprès de soignants en obstétrique (médecins et infirmières). “Pour qu’un consentement soit libre et éclairé, on ne doit exercer aucune pression sur la patiente, explique Marlène Cadorette. Cette pression peut parfois prendre des formes très subtiles.”

Et de citer cet exemple où une femme ayant demandé à changer d’infirmière parce que celle-ci lui parlait trop fort, lui touchait souvent au ventre et lui faisait mal, a vu son désir relégué aux oubliettes. Ou cette autre femme qui s’est résignée à accepter l’épidurale, l’infirmière insistant sur la lenteur des contractions et sur le fait que sa patiente semblait beaucoup souffrir. Ou cette autre encore qui finira par dire oui à la césarienne, sous la pression du personnel soignant qui la juge trop épuisée pour poursuivre l’accouchement de façon naturelle. “Les femmes m’ont affirmé qu’elles n’avaient pas toujours le contrôle de la situation”, révèle Marlène Cadorette, qui convient toutefois que le médecin est tout à fait en droit d’intervenir quand la santé de la mère ou du fœtus est en danger. “Elles disent également manquer d’informations, ajoute-t-elle. Dans ce processus exigeant qu’est l’accouchement, les femmes souhaitent recevoir une information juste et claire, et ce sans qu’elles aient toujours à le demander expressément, sur l’avancement du travail, l’état de l’enfant, les effets secondaires des interventions et des médicaments prescrits pendant l’accouchement, etc. C’est une question d’autonomie.”[2]

Au Regroupement Naissance-Renaissance, cette situation nous paraît très préoccupante. C’est pourquoi nous avons mis sur pied un atelier intitulé « Droits et maternité : quels sont-ils et quels sont mes recours ? » Lors de cet atelier, nous proposons aux femmes de témoigner et d’échanger sur les situations qui les interpellent et nous faisons le tour des droits autour de la grossesse, de l’accouchement et du postnatal en lien avec ces situations. Nous explorerons également ensemble comment prévenir ces situations, les recours possibles lorsque ces droits sont brimés et les pistes de solutions pour se remettre de ces expériences. Nous serons présentes au Congrès annuel de la Ligue La Leche à Montréal le 11 juin prochain. N’hésitez pas à nous contacter à npino@naissance-renaissance.qc.ca pour de plus amples renseignements.

[1] CADORETTE, Marlène. LE CONSENTEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ DE LA PARTURIENTE EN DROIT QUÉBÉCOIS : L’accouchement comme contexte d’évitement du respect de l’autonomie, Thèse de doctorat, Faculté de droit, Université Laval, Québec, juillet 2006.

[2] LAROCHELLE, Renée. Accoucher ou se faire accoucher? La femme qui s’apprête à donner naissance à un enfant a des droits qu’il faut respecter, Au fil des événements, Université Laval, 16 février 2006.

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