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On m’avait privée de mes droits et menacée pour de l’argent?

C’était mon premier enfant. J’étais vulnérable et mon incapacité à me défendre était flagrante. Je suis autiste et lorsque je suis en souffrance, ma différence est beaucoup plus visible. Ils ont peut-être compris qu’avec moi, ils pourraient s’en permettre. Beaucoup. J’avais une bronchite ou un autre truc en « ite ». Je toussais sans pause et les quintes de toux ont peut-être précipité la perte des eaux. Mais surtout, elles ne m’ont donné aucune pause entre les contractions. J’ai réclamé et réclamé durant de longues heures une péridurale qu’on a systématiquement évitée de me fournir avec toutes sortes d’excuses plus bancales les unes que les autres. Onze heures de souffrance. Au moment de pousser j’ai refusé sans anesthésie et j’ai tenu mon bout. Ils ont un peu paniqué et accepté de faire venir la personne mais à une condition : je ne devais pas lui parler et surtout ne pas lui dire depuis combien de temps je la demandais. Si je contrevenais à ces règles, si je tentais d’informer l’anesthésiste, il serait immédiatement reconduit à l’extérieur. J’étais contrainte au silence. J’ai entendu une conversation plus tard, ce serait une question de budget. C’était une technique d’économie. On m’avait privée de mes droits et menacée pour de l’argent? On n’a pas massé le col, on n’a essayé aucune méthode douce. Le médecin, pressé, a utilisé immédiatement la ventouse pour faire vite et j’ai déchiré de tout ce qu’il était possible de déchirer. Je ne savais pas, mais ceci venait de m’enlever la permission d’avoir mon enfant avec moi durant le séjour. Effectivement, pour avoir le droit de prendre le bébé, il faut supporter la position assise. Leur cruauté a été donc de garder mon enfant en pouponnière puisque je ne devais pas m’assoir. J’ai réclamé et réclamé le bébé, mais couchée, je n’y avais pas droit. Je l’ai eu de brefs instants, pour lesquels j’ai dû supporter de briser un peu la récente réparation. C’était le sacrifice à faire. J’ai souhaité me laver, mais on m’a averti que c’était trop long. J’avais droit à cinq minutes, pas plus. Seulement, j’étais blessée. Je faisais le plus vite que je pouvais. Je n’ai pas pu me laver au complet. À bout de forces physiques et mentales, détruite, j’étais maintenant prête à quitter l’hôpital. Seulement, n’ayant pas de véhicule, personne ne m’avait avisé que je devais posséder un banc pour mettre dans la voiture. Je n’avais pas les moyens de payer un taxi et le bébé n’allait jamais être déplacé autrement qu’en autobus, dans mes bras ou en poussette. On a ri de moi, on m’a humiliée, abaissée, de ne pas savoir ces choses élémentaires. On a suggéré que si je ne possédais pas de telles connaissances, peut-être que les services sociaux devaient être mis au courant que je n’avais pas les capacités nécessaires pour m’occuper d’un bébé. J’ai donc téléphoné à une personne pour qu’elle se précipite pour acheter le banc le moins cher. Bébé garçon a donc eu droit à un banc de fillette, mais au moins, je pouvais fuir. Bien entendu, lors de la vérification de l’ajustement sécuritaire de la ceinture, j’ai eu droit à de nouveaux propos blessants et à de grands soupirs d’exaspération parce que je n’avais pas bien compris les instructions. J’étais si traumatisée que les premiers mois avec mon bébé furent teintés de cette expérience et ça a énormément retardé mon attachement. J’ai fait une dépression très grave qui m’a même menée à l’hospitalisation. J’avais subi, durant deux longues journées, une telle violence, un tel mépris, qu’on m’avait brisée. C’est la durée de cette expérience, je crois, qui a fait qu’elle a été si marquante. Impuissante, je devais demeurer sur place et subir en silence par crainte de représailles diverses. Le personnel soignant avait ce pouvoir sur moi, je devais donc accepter tout ce qu’ils avaient envie de me faire. Nous n’étions pas dans un hôpital de brousse, nous étions en plein Montréal. Je ne suis pas une patiente difficile. Je suis cette petite chose apeurée, douce et craintive. Rien ne justifiait de me faire vivre cela. Cette politesse et cette fragilité m’ont placée en victime. On a su qu’on pouvait abuser de moi et que je n’allais pas être apte à me défendre. J’ai rencontré mon conjoint lorsque mon fils avait un an et demi. J’étais terrorisée à l’idée d’avoir d’autres enfants. J’avais peur de perdre le peu de confiance que j’avais si je devais vivre cela à nouveau. Il a promis qu’il ne laisserait jamais une telle chose se reproduire. Il a fait ses gros yeux méchants, protecteurs et je l’ai un peu cru. Il a trouvé l’information à propos de comment on traitait les femmes d’un hôpital à l’autre et m’a assuré m’avoir trouvé le meilleur. C’était un véritable rêve. Vous n’imaginez pas. Dans l’hôpital numéro deux, j’étais une humaine. Chaque petit détail était empreint de respect et on s’assurait de prendre soin de nous. Oui, il y a eu des incidents causés par l’urgence, mais jamais, jamais, lors de ces incidents, on ne m’a humiliée ou traitée avec condescendance. Le personnel, même pressé par un événement imprévu, n’a pas oublié que c’est une femme qui accouche, pas un être d’une sous-catégorie.

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