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Je ressens toujours du chagrin et de la rage quand je pense à mon accouchement

Je suis tombée enceinte au début de l’année 2009 pour la première fois. Dès qu’on a eu un test positif, j’ai fait une demande pour un suivi sage-femme, j’avais accouché de mon grand garçon sans péridurale, mais ça avait été difficile en milieu hospitalier notamment à cause des positions d’accouchement imposées. La fin d’accouchement très exigeante m’a menée à accepter une épisiotomie, et je voulais mettre les chances de mon côté pour cet accouchement. J’ai eu un suivi de rêve jusqu’à 20 semaines de grossesse. Lors de l’échographie de routine, on apprend que j’attends des jumeaux. Comme j’ai eu des saignements continuels lors de ma première grossesse, ce qui a demandé beaucoup de suivis médicaux, mon dossier doit être transféré, la maison de naissance ne peut plus s’en charger. Je me retrouve avec un double suivi, conjoint entre ma médecin de famille et la clinique de grossesses à risque (GAR). C’est ce dernier suivi qui a causé des problèmes tout du long. Je poursuivais encore l’objectif d’accoucher sans péridurale, or les médecins de la clinique GAR y voient un gros problème. C’est la possibilité de grande extraction (procédure visant à faire sortir d’urgence le deuxième enfant de l’utérus en allant le chercher par les pieds et en tirant) qui pose problème. On me dit que ce sera trop douloureux, que je risque d’empêcher le travail des professionnels pour sauver mes enfants. Pendant les 4 mois de suivis, j’ai lu énormément, me suis munie d’études, ait été chercher des témoignages. Mon médecin de famille embarque immédiatement, dès qu’elle est scientifiquement convaincue (je suis docteure en mathématiques, j’ai donc l’habitude d’éplucher la littérature). Je me sens écoutée avec elle, elle souligne certains points qui demanderaient un aménagement. Je ne suis pas dogmatique, nous avons travaillé ensemble pour un plan d’accouchement permettant de minimiser les chances d’interventions médicales inutiles, mais rassurant pour les professionnels. À force de discussions par billets interposés, et puisque l’équipe de généralistes qui a suivi mon premier accouchement témoigne de ma très grande résistance à la douleur, la clinique GAR accepte mon accouchement sans péridurale. Un mois avant les 37 SA, qui sont pas mal la cible pour un accouchement de jumeaux, je suis rassurée. On ne me déclenchera pas, l’équipe est prête à tenter l’accouchement naturellement. Sauf que le 30 septembre vers minuit, mes contractions commencent. Je suis à 36 semaines et 4 jours d’aménorrhée, je me rends donc immédiatement à l’hôpital, et heureusement puisque je suis déjà dilaté à 8 lors du premier examen vers une heure du matin. Ils appellent la gynécologue de garde, qui arrive vers 2h00, et elle vient me parler. Elle demande qu’on me fasse la péridurale immédiatement. Je lui dis non, de vérifier mon dossier, on a un plan. Elle me regarde le visage figé et elle me dit: « je ne vous accouche pas sans péridurale. Si c’est ce que vous voulez, trouvez quelqu’un d’autre. » Je sens mes contractions qui sont très efficaces, je sais que c’est pour les prochaines heures, je sais que c’est la seule gynécologue de garde. J’essaie de discuter avec elle, mais elle est intraitable. J’ai finalement donné mon accord. J’ai accouché couchée, puisque j’ai une péridurale, et la grande extraction a été nécessaire (mais je reste convaincue que le fait d’être en position gynécologique augmente les chances que le deuxième bébé ne descende pas). Nous sommes en santé tous les deux, mon fils et moi, mais je ressens toujours du chagrin et de la rage quand je pense à mon accouchement. Je me suis informée sur ce médecin ensuite. Je n’ai eu que de bons commentaires, elle est très aimée. J’ai décidé de ne pas porter plainte, puisqu’il n’y a pas eu de dommages mesurables. Mais je ressens toujours cet acte comme étant violent et non respectueux de mes démarches. Se sentir aussi impuissante, ne pas savoir les conséquences de mon abdication, craindre que ça tourne mal et de me sentir coupable ensuite, tout ça a sorti mon accouchement de moi. C’est comme si je vivais un rêve. J’aimerais bien en guérir un jour, en parler fait partie du processus, merci.

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