Mon premier bébé est né à l’hôpital 06.2, j’avais choisi une équipe de 3 obstétriciennes reconnues pour leur approche non interventionniste, naturelle et leurs valeurs féministes. Ça m’assurait la présence d’au moins une d’entre elles pendant l’accouchement. On ne m’avait pas dit, ou je n’avais pas compris que ça voulait dire, présence assurée quand viendrait le temps de pousser. La grossesse s’étant bien déroulée, je n’avais pas besoin de suivi particulier, mais voilà que j’avais dépassé 42 semaines de grossesse et le travail n’avait pas commencé. Je m’inquiétais et j’ai appelé l’hôpital, on m’a dit de rentrer pour me faire « provoquer ». C’était un vendredi soir et ma fille est née le lundi matin. En arrivant à l’hôpital, on me fait un toucher vaginal pour savoir à combien de centimètres je suis rendue, ce qui est tout à fait correct surtout qu’on m’explique le pourquoi de la chose. Comme je ne suis qu’à 3 centimètres, on ne peut pas encore « provoquer », il faut que je sois rendue à 4 avant de procéder. Malgré les cours prénataux, je n’ai aucune idée comment marche cette dilatation du col de l’utérus, j’aurais bien aimé qu’on me dise que je n’ai aucun contrôle là-dessus au lieu de faire me sentir comme une incompétente, en tout cas. Bref, on m’a branchée sur une machine pour suivre les signes vitaux du bébé pour me dire ensuite qu’il fallait que je marche pour faire descendre le bébé, pour ensuite me reprocher de ne pas être branchée sur la machine quand on me voyait debout et vice versa. Ce qui ressemble pas mal à du harcèlement psychologique, non? J’ai validé auprès de mon témoin principal, mon conjoint et j’ai dû subir au moins une vingtaine de touchers vaginaux lors de cette fin de semaine-là. Je ne les comptais plus. Ce qui a fait déborder le vase, c’est cet interne à la tête particulièrement louche (l’œil hagard, pas toute là, manque de sommeil ou médication à outrance, peut-être les deux, moitié zombie, moitié Mr. Bean) qui est entré dans la chambre pendant que j’étais branchée, sans nous adresser la parole et sans checker les signes vitaux sur la machine, il soulève la couverture et me passe un doigt dans le vagin et repart sans rien dire. Mon conjoint était présent quand c’est arrivé, je lui ai fait promettre de ne plus jamais laisser rentrer cet individu dans la chambre. Ça n’a pas été nécessaire, quand il est revenu, j’ai crié après: « Sors d’icitte, je ne veux plus jamais te revoir t’as compris? » Il est resté un peu de temps dans le cadre de la porte et on ne l’a pas plus revu après. Par la suite, j’en ai parlé à une infirmière, elle m’a répondu quelque chose comme: « Ah lui, je ne suis pas surprise. » Mais c’est resté lettre morte. Je n’ai aucune idée de ce qui est arrivé avec lui. Par contre, on a remarqué que les internes ont diminué les touchers vaginaux après coup. Le dimanche, j’étais encore à 3 centimètres, heureusement qu’est arrivé une infirmière qui avait son diplôme officiel de sage-femme du Nouveau-Brunswick (Ça n’existait pas encore au Québec à l’époque, si je ne me trompe pas). Elle est restée avec nous pendant tout son chiffre, avec son accent chaleureux, grâce à elle, j’ai pu passer le cap du fameux 4 centimètres et m’approcher du 5 centimètres. Mais encore là, pour moi le 10 centimètres était une cible inatteignable. En soirée, on a fait venir un drôle d’énergumène, plutôt sympathique, un obstétricien à la retraite. Je ne suis pas certaine que sa méthode soit reconnue par l’Ordre des médecins, mais ç’a été très efficace et je lui suis reconnaissante. Il nous a avertis que ça faisait longtemps qu’il n’avait pas fait ça tout en nous rassurant que tout allait bien se passer. Il a mis sa main en entier dans mon vagin (au point où j’en étais, ça n’avait rien d’agressant, j’étais prête à tout pour être dÉÉélivrééÉÉÉeee, libéÉÉéréÉée). Il a tiré je-ne-sais-quoi, et un je-ne-sais-quoi sanguinolent gros comme un poing est sorti. Ça n’a pas fait mal, mais mon chum a bien failli tomber sans connaissance. Il est reparti comme il est venu, en disant que ça devrait plus être long pour que le « vrai travail » commence. Effectivement, tout s’est mis à aller plus vite par la suite, ça n’a pas duré plus que 10 minutes en tout et je suis plutôt reconnaissante de son intervention même si je trouve pertinent de raconter ça ici. J’ai finalement accouché trois jours plus tard, le lundi matin d’une petite fille en pleine santé. J’ai poussé ma vie pour la sortir, on voyait du méconium dans le liquide amniotique. L’infirmière criait POUSSE, POUSSE, POUSSE, POUSSE à répétition. J’ai commencé à déchirer et l’obstétricienne a donné un coup de scalpel pour aider. Quand elle a fini par sortir, l’infirmière criarde est partie avec à la néo-natalité en courant et en la tenant en ballon de football. J’ai envoyé mon conjoint aux nouvelles et finalement tout était beau, on lui a donné du lait maternisé et elle buvait bien. On m’a interdit de la voir pour 5 heures, « pour que je me repose ». Oh well, voir que je me suis reposée, je me sentais comme en punition. Au bout de 5 heures, mon chum a poussé ma chaise roulante jusqu’à la néo-natalité, ils l’ont placée en luminothérapie, non pas parce qu’elle faisait une jaunisse, mais parce qu’il ne restait pas d’autre place ailleurs où la mettre. Elle était toute belle, toute rose, elle ressemblait à Greta Thunberg avec sa tuque et sa petite face de « Je te juge ». Je lui ai parlé et elle a mis son petit pied dans ma main comme elle faisait dans mon ventre. Je n’ai pas pu m’empêcher, je l’ai prise dans mes bras, je n’ai pas pensé une seule seconde que je devais demander la permission de quelqu’un et je me suis mise à l’allaiter. Quand l’infirmière m’a vu en train de l’allaiter, elle s’est mise à me crier dessus. « T’aurais pu l’échapper, tu n’as pas honte? Tu lui donnes le sein et tu n’as jamais fait avant pi tu penses savoir comment ». Je réponds: « Ben regarde, elle boit, c’est quoi le problème? » bref, je me suis un peu engueulé avec l’infirmière de néo-natalité. Elle s’est excusée par la suite. Quelques heures après ça, je me souviens m’être réveillée en voyant mon conjoint pleurer dans la chaise qui lui servait de lit. J’étais convaincue qu’il pleurait de découragement d’avoir eu une enfant avec une criss de folle pareille. Ça a pris un certain temps pour qu’on en reparle et qu’il me convainc qu’il pleurait de joie. On a eu très peur de la perdre un moment donné, alors comme dans une pièce de Molière si vous voyez ce que je veux dire, on finit par se dire que tout ce qui compte, c’est que ça se termine bien. Quelques semaines plus tard, je regardais un documentaire à Télé-Québec en allaitant ma fille. On voyait une maman zèbre sur le point de mettre bas harcelée par des hyènes qui voulaient bouffer son nouveau-né. La voix off disait que la maman n’accouchera pas tant que ces hyènes n’auront pas abandonné… « Ok, c’est pour ça que l’accouchement a duré aussi longtemps. » Mon deuxième est né en 1995 à la maison de naissance 06.5, le travail a duré 5 heures en tout. Mon corps savait ce qu’il avait à faire et il n’a pas été question que je faisais de quoi de pas correct, sauf au moment de pousser. Les sages-femmes me disaient de ne pas pousser trop fort, mais rien à faire, la machine était en marche et je ne pouvais pas m’en empêcher, comme un réflexe. J’ai déjà entendu des femmes dire, qu’elles ne comprenaient pas comment pousser sur demande, moi c’est le contraire, ça part tout seul, tassez-vous de là. Bref, j’ai eu aussi droit aux points de suture. Quand il est sorti de mon ventre, les sages-femmes l’ont laissé ramper sur mon ventre jusqu’à mes seins. Il me regardait fixement comme Harrisson Ford, c’est à dire intense avec un petit œil et un gros œil.
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