Ma fille est née prématurée. J’ai crevé mes eaux à 33 semaines et 3/4 et j’ai accouché 6h plus tard à l’hôpital 06.7. Je savais que mon bébé n’était pas à terme, mais on ne m’a jamais expliqué les risques ni rassurée. Je me suis mis mentalement en mode « gestion de crise » et je me suis dit que je ferais ce qu’il faut pour accoucher de ma fille « le mieux possible ». J’allais être un soldat à la guerre et ma priorité était ma fille. On m’a accueilli de façon blasée à l’hôpital, couchée sur une table froide en métal. Mes contractions étaient épouvantables. J’ai été malade. J’étais couchée en fœtus en me focalisant mentalement sur le temps qui passait. Une infirmière était assise près de moi. Aucun réconfort, aucun guide pour m’aider avec ma respiration. Aucun conseil pour diminuer la douleur sur les postures à prendre ou autre. Couchée comme un bétail dans une chambre froide aseptisée. J’ai demandé la péridurale. On m’a dit que je l’aurais peut-être – je n’étais pas la seule à accoucher ce soir-là donc je devais prendre mon mal en patience. Encore là, aucun soutien psychologique, bienveillance, sourire. J’ai finalement reçu la péridurale d’un gentil médecin anesthésiste. Comme ma fille était prématurée, je n’ai pas pu la garder avec moi – elle a été déposée dans un incubateur. On ne m’a encore là pas rassurée. Pas accompagnée. J’étais inquiète et mon mari aussi. Ma fille a finalement été transférée à l’hôpital 06.8 où elle a été traitée pour un pneumothorax. Une semaine aux soins intensifs – les infirmières ont été parfaites. Elles prenaient le temps, nous rassuraient, nous expliquaient. Une fois transférée dans la section plus régulière, nous avons plutôt eu affaire à des infirmières blasées, sèches. Elles décidaient de donner du lait en préparation au lieu de mon lait maternel très durement extirpé. J’y tenais – surtout pour un bébé prématuré. L’infirmière voulait surtout respecter son quart de travail et sa routine. C’était sa façon de faire ou rien. J’aurais souhaité beaucoup plus de sensibilité, surtout dans un contexte aussi particulier et angoissant comme nouveau parent. Une fois rétablie, ma fille est retournée à l’hôpital 06.7. Elle devait prendre du poids avant de pouvoir retourner à la maison. L’allaitement était très difficile pour moi. Je n’ai pas été accompagnée ni soutenue. On exigeait même que je sois efficace. Je voulais retourner à la maison avec ma fille pour qu’on crée notre petit cocon, loin de tous les tests dérangeants, des mains inconnues, des réveils impromptus, de la lumière éblouissante et du bruit incessant pour ma toute petite fille qui avait surtout besoin de réconfort, de calme, d’apaisement. Les bébés prématurés réagissent très fortement aux stimuli extérieurs, bien que je crois que tous les bébés naissants aient besoin d’un environnement apaisant. J’ai insisté pour retourner à la maison avec ma fille, mais on favorise les procédures aux humains. On ne m’a jamais proposé qu’une infirmière passe à la maison. Aucune n’est venue suivant mon retour à la maison aussi. Mon expérience globale a été traumatisante. J’ai tout de même accouché de mon deuxième enfant, à terme, en 2014. Je conserve encore le souvenir d’une infirmière autoritaire et intimidante. Je lui avais demandé de recevoir la péridurale et elle m’avait rétorqué « je vais aller le chercher quand j’aurai fini mes papiers » en me lançant un regard comme si elle avait beaucoup mieux à faire. J’ai aussi crevé mes eaux pour mon garçon et ai accouché 3 heures plus tard. L’infirmière n’est jamais revenue – son quart de travail était terminé. J’ai dû insister auprès d’une seconde infirmière. J’essayais d’être patiente et tolérante, mais je souffrais beaucoup. Je me sentais coincée entre affirmer mes droits tout en sachant que je dépendais totalement du bon vouloir des infirmières pour recevoir mes soins. Je me sentais donc dépendante, en position de faiblesse, à quémander un peu de soin. L’infirmière qui a remplacé la première a par contre été gentille. J’ai finalement reçu la péridurale, mais comme j’ai accouché très rapidement, elle n’a pas totalement fait effet. L’accouchement a été très douloureux. Je me suis sentie ignorée, abandonnée dans ma souffrance, sans ressource, déshumanisée.
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